Les Géants de Provence !
Publié le 9 Septembre 2020
Les Pyrénées à vélo c’est un peu nos dolomites avec les chaussons, tous les ans, c’est - enfin c’était - au programme et puis tous les ans, la bonne excuse d’une météo douteuse nous pousse vers le moins loin, mais pas forcément et loin s’en faut, le moins bien ! Donc avec la fraicheur et les risques d’orages annoncés là-bas, nous décalons nos ambitions cyclopédiques vers la Provence, une valeur sûre. Une fois n’est pas coutume cette année, c’est l’autre membre de la pédale qui est aux manettes de la trace et avec un certain brio, s’il vous plait. Deux fois n’est pas coutume, nous sommes trois cette année. Et oui, Le frangin aka the flying polish (en référence à la vétusté incontestable de son équipement) viendra se former au bike packing copyright la pédale 73. Pour les gîtes, c’est bien simple, le niveau de préparation est en chute libre, nous tendons vers la limite asymptotique basse, c’est-à-dire du midi pour le soir. Alors bonzaï !
Carpentras. Sans transition, nous voilà aux prises avec le vent, puis rapidement le Ventoux. Trainant les restes d’une soirée pas trop véloproof au Brock, je réalise une superbe ascension de type "ball trap". C’est-à-dire une belle première partie avant d’exploser en plein vol, fauché par une hypo. Au somment du géant, un puissant mistral ne nous fait absolument pas regretter de bouder les jantes carbones à profil haut. Musculation du fessier garantie dans cette descente vicieuse à souhait, malmenés que nous sommes par ces rafales sournoises à plus de 140 km/h (on se rapproche de Marseille, je sais).
S’en suit un petit contre la montre pas piqué des vers jusqu’au gîte. Malheur à celui qui perd la roue, le tarif est direct d’une minute au kil’. Nous passons ensuite une soirée pour le moins sympathique et finalement, le tenancier part se pieuter en nous laissant à disposition ses digestifs, grand prince qu’il est. En temps normal, c’eut été pure folie pour la rentabilité de son affaire, mais que nenni, nous ne vendons pas notre foie au diable. Il faut dire que le lendemain, les choses sérieuses commencent à se mettre en place. Des journées de selle qui laissent assez peu de place au farniente avec souvent plus de 140 bornes à la clé.
Cette deuxième étape démarre tranquillement par quelques kilomètres pittoresques, parfait pour chauffer les cannes avant la montagne de Lure. Certes moins dure que le grand frère voisin, moins mythique, moins tout ce qu’on voudra mais du calme à revendre et surtout des points de vue pas dégueu sur les Ecrins. Ce faisant, nous débarquons à Sisteron point de passage obligé au niveau d’un restaurant à base de pieds paquets. L’estomac bien rempli, nous recrémons nos guiboles un peu trop blanches avant de rallier Digne par le chemin des écoliers. Ok, on se complique un peu plus la vie que Napoléon, mais franchement, ça vaut le coup ! Par contre, Digne, c’est pas ouf, on ne joue pas les prolongations.
Le lendemain, un éboulement sur la Colle Saint-Michel, nous escamote un peu le départ de la troisième journée, sans trop de regrets car le backup est vraiment pas vilain. Passé Annot, nous reprenons la trace et remontons à bon train les gorges du Daluis. Gorges qui sont tout simplement magnifiques, l’Utah à la maison ! Voilà nous sommes fin prêts pour attaquer le dessert : la montée sur Valberg. Comme on est malin, on prend l’option au soleil le long d’une falaise. Pas de surprise, il fait chaud, très chaud, malins les thermiciens ! En comparaison, la courte grimpette de la Couillole est une formalité. Celle-ci permet d’admirer notre on ne peut plus photogénique village-étape : j’ai nommé Roubion !
Au quatrième matin, une certaine fatigue s’installe, pas vraiment de temps pour la mise en jambe, tout de suite en prise avec les solides pourcentages du col de la Sinne. Voilà le genre de pépite où l’on verra jamais Froome se tirer la bourre avec le reste de la meute mais du col de qualité, sauvage sanctionné par une descente d’exception. Incroyable ce bout de route perché pour trois maisons ! Sûr que si on y avait foutu un péage, c’eût été plus cher que l’autoroute de la Maurienne. Pour couronner le tout, une nouvelle pépite, gustative celle-ci, nous attend avec la cuisine d'un papi très typé tonton flingueur aux manettes de son bui-bui:
On peut manger ??
- Le menu du jour, c’est ravioli.
- Ok, Parfait !
- Sinon, je sers de la viande avec, je mets deux pièces.
- Ok, Jean-mi (ndlr : en fait on en sait rien) tu nous amènes bien ce que tu veux !
L’altitude et la latitude baissant, le démarrage est pour ainsi dire laborieux : putain qu'il fait chaud ... La route défile plutôt lentement, tiens une pancarte, voilà Aiglun ! Réflexe de grimpeur, on s’arrête; la face est toujours aussi belle mais vu les températures, c’est plutôt du côté de la clue bouillonnante que nous lorgnons. Le chemin de croix continue dans une ambiance suffocante, voilà c’est fini. Newton nous pose sur les rives du lac de Castillon, l’hôtel n’est plus qu’à quelques encablures. Jeudi matin, nous quittons Castellane, la rive gauche du Verdon est au programme de la matinée. Nettement moins fréquentées des goldwings et autres saloperies pétaradantes, elle nous réservera une variété de points de vue sur ces gorges profondes, les Causses pour commencer puis le gaz des belvédères. Fin en apothéose avec la descente sur le lac de Sainte-Croix. Moustiers, midi: il est grand temps de se restaurer ! Punaise, quand je vois arriver cet énième agneau je me dis qu’on va bientôt finir dans le collimateur d’L214 …
Soit, la suite de la journée est plus roulante. Sur le plateau de Valensole, la Sky commence à être bien rodée, les relais vont bon train et ça bombarde grave sur ces lignes droites, fendant les champs de lavande à 50 km/h (de plus en plus près de Marseille ;).
Allez encore le Ventoux pour finir ce périple, par Bédoin cette fois-ci, parce qu'on aime les choses bien faites à la pédale ! (Et surtout, histoire d’avoir coché les trois côtés - réflexe de grimpeur bis.) Que dire alors de cette boucle ? Encore du beau, du très beau ! Certainement pas la renommée des grands cols mais franchement, étant donné la variété des paysages et le calme, c’est presque mieux ainsi ... Au fait, 750 km et 15 km de D+ pour les statisticiens.