On arête pas !

Publié le 18 Novembre 2020

Punaise, ça faisait un peu des lustres que Lucie n’avait trainé ses guêtres en haute montagne non ?… 9 ans pour être exact. 9 années depuis ce Gravelotte et cette traversée de la Meije. Voilà un congé sabbatique à reconduction tacite qui ressemblait fichument à une démission en bonne et due forme !

Qu’à cela ne tienne, au moment de faire les sacs pour une énième grande voie, l’idée de reprendre franchement de la hauteur refait surface et l’emporte rapidement. Place aux pitons foireux, aux prises tiroir, aux doutes et toutes les joyeusetés du terrain non-aseptisé ! Ok, partir en couple sur ce genre d’itinéraire demande un certain engagement mais et d’une, il serait dommage de ne pas profiter des excellentes conditions de neige. De deux, la forme est plus que correcte et surtout, les deux enfants sont gardés. Condition sine qua none, d’un week-end sans enfant vous en conviendrez. Bref, le genre d’alignement planétaire qui arrive pas tous les jours … Donc maintenant y a plus qu’à ! Plus qu’à choisir; très vite, je lorgne du côté de la très classique et classieuse arête Ouest des Fétoules : coin inconnu des Ecrins, qui plus est.

Voilà, plus qu’à marcher, plus qu’à grimper ! Minute papillon, chaque chose en son temps. Commençons par attendre le refuge de la Lavey. La montée déjà modeste, débute par une descente. Un bon point. Les sens en éveil, nous profitons pleinement de l’instant: le bleu tumultueux de ce diable de Vénéon, les odeurs, ce franc soleil ... Quel plaisir de rouler sa bosse sur les chemins de l’Oisans ! Et malgré l’effort limité de l’exercice, nous nous octroyons tous les plaisirs sucrés et houblonnés qu’on est en droit d’attendre d’un refuge gardé. Et puis avec le covid, on a un dortoir pour nous tout seul : le luxe ! Adieu ronflements et bruit de sacs plastiques en tous genres.

On arête pas !

Toutes les bonnes choses ont une fin : 3h30, le réveil sonne le glas cette parenthèse épicurienne. Je passe le cerveau en mode avion avant d’essayer de trouver l’appétit pour petit déjeuner. Je passe les jambes en mode avion, « demande mise à jour logiciel », et merde ça marche pas !

Trêve de connerie, l’approche de 3 heures est finalement rondement menée. Celle-ci s’est bien passée sur un chemin plutôt aimable et roulant. Et dans une ambiance frisquette, on sort la corde au pied du premier ressaut. Force est de constater qu’une certaine raideur est de mise ! Je ne regrette pas mon excès de frilosité au moment de faire le sac : bien content d’avoir pris les chaussons sur cette dalle ma foi bien lisse. Toujours un peu bizarre de passer du bloc à Corti au mode – chute interdite/je sais pas trop où ça passe mais on verra bien. Chemin faisant, le fameux dièdre se rapproche, enfin plus nous que lui. Cas d’école du genre, la typicité de celui-ci frise la caricature. Quant à, sa cotation en IV, celle-ci frise la blague ! Bref, c’est le jeu ma pauv’ Lucette. Voilà, la fin de cette renfougne se profile : la fameuse dalle main gauche permet de s’extraire du chantier par le non moins fameux pas de 5. Dès lors, l’escalade devient plus aisée mais l’itinéraire est nettement moins évident sur cette arête. Arête qui a d’ailleurs plus la gueule d’un vague pilier. Le rocher est quant à lui inégal, tantôt pas mal tantôt aussi franc que Sibeth sur l’intérêt des masques. Et puis çà et là, de petits rappels viennent challenger l’efficacité de grimpeurs en mal de pratique. Du vrai alpinisme en somme !

On arête pas !
On arête pas !

Au bout de 6h et des brouettes, nous posons nos séants sur le culmen des Fétoules. Horaire tenu et surtout contrat rempli pour cette classique majeure. On frôle le torticolis à vouloir profiter de chaque angle de vue : putain, c’est beau ! Viens alors la descente qui sans être délicate, requiert comme toujours un minimum d’attention. Faut y aller étape par étape, le glacier, la moraine, le chemin, la pause au refuge et puis finalement cette putain de remontée au parking qui nous verra proférer quelques noms d’oiseaux ! Contrat rempli d’accord pourtant Lucie maintient sa démission quand même … Alors place aux vacances maintenant, aux vraies !

On arête pas !

Après une délicieuse quinzaine dans les Hautes-Alpes, la rentrée pointe le bout de son nez. Ou pas, Finalement, je m’octroie un ultime bonus ou plutôt une bonne part de pizzalp. Lundi 14h, je débarque à la Bérarde où je n’avais pas foutu les pieds depuis 9 ans également. Voilà, je rejoins les deux protagonistes de la plus lente traversée des Alpes. A posteriori, étant donné leur vitesse d’évolution sur le terrain, je me ferai la réflexion que j’aurais largement pu faire mieux ;) La montée en refuge est donc vite pliée, quelle vue depuis temple écrins ! De vagues souvenir du pic Coolidge en 2003, tout seul avec un sandwich pour deux jours … l’appétit exclusivement tourné du côté des cimes !

On arête pas !

Bis repetita et re-lever mort tôt à 3h45. Pour le coup, on passe en mode avion. L’approche est menée tambour battant, l’arête est menée … pareil en fait. Bonne voir très bonne surprise en ce qui concerne le rocher, c’est plutôt bon quand ça grimpe. La mauvaise surprise, c’est le crash météo. On était parti sur un iso à 5000 sans vent. Voilà sur le terrain, c’est iso à 3000 et 50 km/h de vent dans la gueule et pendant 800 m. Le genre de truc qui finit par user un peu le bonhomme. Greg tente la méthode Coué « En fait c’est pas dangereux » C’est vrai, mais c’est relativement chiant non ?

On arête pas !
On arête pas !

Ceci dit, cela ajoute un peu plus de caractère à cette course qui n’en manquait déjà pas : toutes les cases de l’ambiance « face nord » sont allègrement cochées. Mention spéciale pour la sortie en rocher verglacé avec le glacier suspendu dans le rétroviseur … Grandiose, on vous dit ! Et au bout de 6h et autant d’onglets, nous atteignons l’arête faitière et le soleil qui va avec. Saucisson et tomme viennent requinquer des organismes en dette calorique avancée. Mais pas le temps de faire la sieste, il nous reste encore un gros morceau ; j’ai nommé la descente de l’Ailefroide ! Une espèce de labyrinthe de couloirs à descendre, d’éperons à contourner, avec des rappels de partout ! Signe que tu n’es pas le seul à misérer dans ce terrain moisi et paumatoire à souhait …

Une fois sur la moraine, nous trouvons du génépi en abondance. Serait-ce un signe avant-coureur ? Une vision prémonitoire de la soirée à venir ? Soit, la descente se poursuit, nous continuons à user nos vibram et surtout nos genoux dans ce terrain scabreux à souhait et voilà que le refuge du Sélé nous tend les bras. Raoul nous tend des bières, La Kro n’a jamais été aussi bonne je dois dire. Le repas qui suit est rapidement englouti. Au moment de partir se pieuter, on se trompe de porte et on finit dans la cuisine de Raoul. Aïe … Blackout complet !

Le lendemain est consacré au retour à la civilisation et accessoirement la maison. Repassage par la case Ailefroide avant de tester les capacités en covoiturage des hauts-alpins. Après avoir laborieusement grappillé 30 bornes en 6 bagnoles, coup de pot, des gens qui montent à la Bérarde : Deus ex machina ! Je retrouve le partner et le cd tout rayé de Brassens qui a bien du mal à couvrir le boucan du frein moteur. Voilà, les vacances sont bel et bien terminées.

Encore une belle arête … Alors, on continue ?

On arête pas !

Rédigé par Fabrice

Publié dans #montagne

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